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Valérie Handweiler, journaliste

Covid-19 – Sortie de route réussie pour deux entreprises locales

L’industriel Christian Curel a lancé la société Prism en Juillet 2020 et fabrique 350 000 masques FFP2 chaque semaine à Frontignan (Crédit © V. Handweiler)

Autour de Montpellier, des entreprises du secteur de la santé ont su réagir dès le démarrage de la pandémie de Covid-19. Elles ont détourné le cours de leur activité pour répondre à la crise sanitaire. En quelques mois, elles inondent le marché avec des masques ou des produits de décontamination 100% conçus en Occitanie.

« On a de la chance que le Covid ne soit pas un virus trop mortel, plaisante Christian Curel, directeur général de la toute jeune entreprise Prism installée à Frontignan (34), sinon aucun personnel soignant ne serait allé travailler au printemps dernier. » 350 000 masques FFP2 sortent chaque semaine depuis 3 mois de ses 2 lignes de production. Rutilantes et tout juste installées dans son atelier, elles ont été montées par 7tech, un concepteur gardois de machines spéciales. D’un côté les bobines des tissus spéciaux – « spunbond » et « meltblown » – sont empilées, de l’autre sur des palettes s’entassent les cartons de masques prêts à être livrés. « La cadence va augmenter, on pourra vite produire 1 million de masques par semaine sans passer aux 3/8 et on attend deux autres machines », précise l’industriel.

Dirigeant et fondateur de I2A, une florissante startup des années 2000 spécialisée dans l’analyse microbiologique, rien ne le destinait à devenir fabricant de masques. L’annonce de la pénurie, son savoir-faire d’industriel, le hasard qui lui fait découvrir une entreprise établie dans le Gard et spécialisée dans la conception de machines spéciales. Il ne lui en faut pas plus pour se lancer. Il s’associe à un professionnel de la distribution médicale et rédige un business plan. A l’époque, il ne pense pas que le Covid-19 va s’installer sur du long terme. Il base ses projections financières sur les besoins du marché national en masques « FFP2 bec de canard », celui dont ont besoin les soignants. Il n’a pas en tête une idée d’opportunisme liée au contexte. Il a un travail et une entreprise qui tourne bien. Son souhait est simplement de participer à la filière française et ne plus dépendre de la Chine. Le business plan est bouclé en juin, les statuts de l’entreprise Prism sont déposés en juillet 2020. La société emploie aujourd’hui 5 personnes, mais possiblement 30 en fin d’année et 50 l’année prochaine.

« C’est une très belle réussite », se félicite Laurent Garnier, du pôle de compétitivité Eurobiomed. « La crise a mis en évidence la dépendance de la France pour les matières premières, certains composants et produits. Elle a engendré un coup d’arrêt pour beaucoup d’entreprises du secteur de la santé et un « boost » pour certains. »

Nouveaux marchés pour les produits de décontamination

La société Ventum Biotech tire aussi son épingle du jeu et pourtant ce n’était pas gagné au printemps dernier. «Notre solution technique de biocides pour les hôpitaux était prête la veille du premier confinement. Mais du jour au lendemain, toutes les portes se sont fermées, relate Gina Bandar, responsable commerciale. Nous avons dû penser autrement.» Les dossiers de cette toute jeune société créée en août 2019 sont étalés sur le bureau de Loufti Kachou, directeur scientifique et technique, en ligne et sur son ordinateur simultanément : commandes en cours, demandes d’agrément, permis d’exportation, etc. En quelques mois, le chiffre d’affaires de ce fabricant de produits de décontamination implanté à Vailhauquès (34) a explosé de manière exponentielle. « Faute de pouvoir entrer directement dans les établissements de soin, nous avons répondu à des demandes d’autres secteurs subitement plus qu’intéressés par nos solutions techniques : des hôtels, des aéroports et aussi les pompiers. » La fenêtre du bureau lumineux offre justement une vue plongeante sur le siège du Service Départemental d’Incendie et de Secours de l’Hérault (SDIS 34). « Nous avions besoin d’un site où pouvoir manipuler des produits chimiques et l’incubateur de Montpellier nous a proposé ces bureaux », précisent les heureux créateurs de Ventum Biotech. « Les pompiers sont venus nous voir, en voisins, car eux aussi avaient des besoins en produits de décontamination. On travaille ensemble depuis 6 mois. Une publication va sortir. Leurs anciens produits grignotaient leur matériel. »

Après le diagnostic, Loutfi Kachou et Gina Bandar (Ventum Biotech) développent des produits biocides (Crédit © V. Handweiler)

Issus de la société MCC de diagnostic de contamination sur site, les entrepreneurs avaient compris l’enjeu des produits de décontamination et ont décidé dès 2019 de se lancer dans leur développement pour préparer l’imminence d’une épidémie. « Notre business plan était basé sur la grippe aviaire, beaucoup plus virulente que le Covid. » Aujourd’hui l’entreprise compte 5 salariés et propose une gamme de 6 produits protégés par des brevets notamment sur le système de poche avec mini-compresseur. La société en fabrique 10 000 par mois chez un sous-traitant à Grenoble avec un objectif de 100 000 à l’automne suite à la mise en place de l’automatisation. Un bureau est déjà ouvert aux USA avec des belles perspectives de développement.

« Un aspect particulièrement positif de cette crise est la mise en évidence du rôle crucial des entreprises du secteur de la santé : celles du diagnostic médical très présentes, mais aussi toutes les autres. Un tissu très dense dans le territoire », souligne Laurent Garnier. Dans son bilan 2020, le pôle de compétitivité recense les initiatives des entreprises de la filière : matériel, gel, diagnostic, développement de traitements, solutions numériques, autant d’exemples concrets du grand dynamisme des entrepreneurs régionaux.

Valérie Handweiler

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