La Lettre du cadre territorial – 23 novembre 2021
Jeunes, actifs ou retraités, des centaines de citoyens s’engagent en Europe en tant qu’ambassadeurs du Pacte européen pour le climat. Des bénévoles avec une entière latitude d’action. Un objectif : mettre en lumière les actions locales, partager des expériences, inspirer les autres et accélérer les transitions.
Des camions-bennes arpentent le lido de Sète à Frontignan (Hérault), cette étroite bande littorale entre la mer et les étangs. Ils apportent 200 000 m3 de sable pour recharger ce trait de côte fragile. Des vues par drone suivent le chantier. Elles révèlent la vulnérabilité du milieu et les travaux importants engagés pour lutter contre celle-ci. C’est par ces images que s’ouvre la conférence en ligne du 9 novembre 2021 à 20 heures, inscrite au programme de la COP26 sous le titre « Water is coming » qui s’est tenue à Glasgow (UK) du 2 au 12 novembre 2021. Sète agglopôle Méditerranée (SAM) y partage son expertise avec la Conférence des régions périphériques maritimes d’Europe (CRPM), un centre de recherche en modélisation des courants marins en Italie et les 80 auditeurs. Cette vidéo n’a pas été réalisée par la SAM spécifiquement pour être présentée à la COP26 ; pas plus que les travaux. La question du climat et les mesures prises pour atténuer son impact sont présentes au quotidien dans les territoires. Les rendre visibles, c’est justement le rôle des ambassadeurs du Pacte européen pour le climat : faire le lien entre « Bruxelles » et « le local ».
« Travailler en interaction directe avec le terrain, c’est le parti pris de la Commission européenne (CE) et le caractère inédit de cette initiative », confirme Aurélie Louguet, consultante chez le cabinet de conseil en ingénierie norvégien Ramboll et référente pour les ambassadeurs français. « Chaque citoyen est libre de faire du bruit autour des initiatives locales. Le titre d’ambassadeur lui donne simplement un cadre de légitimité ».
« Les actions ne sont pas dictées par Bruxelles »
Imaginé dès la mise en place du nouveau pacte vert début 2020, ce réseau compte déjà 501 bénévoles. Le Montpelliérain Samuel Cohen-Salmon est un de ceux-là. « Pas de budget, pas de consignes, chacun à son échelle est libre de décliner son engagement à sa manière ». C’est lui qui a contacté la SAM. Être site satellite d’accueil de la COP26 a séduit le cabinet du président. En trois jours, la candidature est ficelée. « Cela s’est fait naturellement. Le bassin de Thau est au cœur des problématiques climatiques : montée des eaux, préservation du littoral », confirme Emmanuel Noirot, directeur de la communication. La préparation technique est ensuite confiée à Yvon Iziquel, chef de projet littoral. « Ce n’est pas habituel pour nous de participer à ce genre d’événement. On avait commandé ce film pour garder une trace des travaux. Un investissement de 15 millions d’euros, dix-huit mois de chantier ». La vidéo du chantier d’aménagement du littoral est traduite en anglais. Des éléments de langage sont confiés à l’ambassadeur. Il est convenu qu’il sera le porte-parole de la collectivité : il parle l’anglais et connaît les sphères européennes.
À l’initiative individuelle, d’autres préfèrent se regrouper pour être crédibles auprès des décideurs locaux. C’est le cas à Paris de jeunes ambassadeurs encore étudiants. Ils se sont emparés de l’idée de « peer parliament » que proposait la CE autour des thèmes de la mobilité, de la consommation, de l’alimentation, de l’énergie. « Nous allons réunir des citoyens de tous horizons et leur donner une table de discussion sans cadres pour faire émerger des propositions concrètes à petite échelle. À plusieurs, nous avons la possibilité de développer des projets ambitieux et riches de sens », explique Émelyne Métrard. De son côté, Gaëlle Lescombat à Saint-Brieuc est « facilitatrice climat ». Elle aide les entreprises à comprendre le dérèglement climatique et à monter des plans d’actions. « Grâce au réseau des ambassadeurs, je reçois toute l’information sur les évolutions réglementaires en lien avec le climat en direct de Bruxelles. »
La stratégie de la tache d’huile
« L’Europe est trop loin des citoyens », concède Francesca Dandolo, retraitée et également ambassadrice. Militante et européenne, cette ancienne élue de Paris Centre consacre son temps au reverdissement du cœur de Paris. « La nature est la meilleure alliée pour lutter contre le changement climatique. Il faut reconquérir les friches, ralentir les déclins des espèces. »
Ambassadrice depuis novembre 2020, une charte et quelques outils en provenance du secrétariat Climat de la CE en main, la voilà d’attaque. Son premier challenge : une trame verte reliant les quatre quartiers du centre parisien. Ce projet citoyen vise à améliorer le contexte immédiat de 100 000 habitants en diminuant les îlots de chaleur. « C’est la stratégie de la tache d’huile », se félicite Corine Faugeron, élue EELV à Paris Centre. « C’est Francesca qui m’a fait découvrir ces ambassadeurs. » Et elle compte bien s’appuyer sur ce réseau pour connaître les budgets que délivre l’Europe.
Devenir ambassadeur du Pacte européen pour le climat « Faire connaître l’action pour le climat aux personnes et/ou organisations qui n’y participent pas encore ; informer, inspirer et soutenir l’action pour le climat au sein de leurs communautés et réseaux ; montrer l’exemple en matière d’action pour le climat et de protection de l’environnement ; faire le lien entre la société civile, les parties intéressées et la Commission européenne » sont les activités au programme de l’implication bénévole des ambassadeurs du Pacte européen pour le climat. Tous les citoyens européens peuvent prétendre à rejoindre le réseau, en leur nom propre ou en tant que représentant d’une structure. L’appel à candidatures est ouvert en continu. « Les ambassadeurs sont des multiplicateurs et un pont « bidirectionnel ». Ils obtiennent des informations sur les politiques de l’Union européenne et les faits scientifiques sur le climat. Ils décident comment utiliser ces informations dans leur monde et nous leur demandons de nous ramener la voix des citoyens », explique la direction générale de l’action climatique à la Commission européenne. « Aujourd’hui au nombre de 501, l’ambition est d’intensifier le recrutement dans certains pays et pour certains profils ». Dans leur candidature, les futurs ambassadeurs doivent proposer une activité, s’engagent à défendre les valeurs du pacte et prendre un engagement organisationnel quand il représente une structure. La Commission européenne veille par ailleurs à ce que les personnes n’aient pas une « présence offensante en ligne ».
« L’Europe est un vrai moteur pour l’environnement. Sur ces sujets, il y a matière à travailler directement entre les territoires, villes ou région sans passer par les États ». Pas si facile cependant de faire accepter la végétalisation par les citoyens, « elle est perçue comme des herbes folles, de la plate-bande mal entretenue et détractée par des influenceurs comme les hashtags ‘‘#saccageParis’’ sur les réseaux sociaux ». Et au niveau technique, « l’entretien des pieds d’arbres est confié à la voirie qui n’a pas forcément de compétence ou d’appétence pour le végétal. Et n’a pas le temps de tout faire ! »
Samuel Cohen-Salmon est thérapeute à Montpellier. Il consacre ses loisirs au climat, « comme d’autres font de la randonnée ou du kayak de mer ». Ambassadeur du Pacte européen pour le climat depuis juin 2021, ce militant sans étiquette s’empare des sujets locaux : protection des oiseaux et des herbiers de la lagune de Thau, rencontre avec les artisans-pêcheurs du Grau du Roi, éolien en mer, invasion de crabes bleus, conférence sur l’agriculture durable. « Peu importe la couleur du chat, le plus important c’est qu’il attrape la souris ». Sa formation scientifique lui permet de comprendre les enjeux techniques. Sur les réseaux sociaux, il se fait l’écho des actions qu’il suit, reçoit en retour des informations directes de la CE sur l’action climatique : rapports scientifiques, appels à candidatures, programmes de financement. Il devient « un maillon de la transformation des intentions de faire en projets ».
« Certains ambassadeurs attendent que la CE donne des cadres. Moi, j’aime être sur le terrain », renchérit Samuel Cohen-Salmon. « Être ambassadeur offre d’innombrables possibilités. C’est une coquille qu’il faut remplir. » Son action a permis à Sète Agglopôle Méditerranée de participer à la COP26. Un bon tremplin de visibilité et des collaborations futures à la clé.
Valérie Handweiler