Journal Le Monde – Mise en ligne le 29 janvier 2021.
Dans un récent avis, la Haute Autorité de santé juge acceptable la sensibilité des détections par RT-PCR sur salive, un mode de prélèvement moins invasif. Les modalités de déploiement de cette technique restent à définir.
Cela ne sera peut-être bientôt plus qu’un mauvais souvenir, cette petite sensation de brûlure piquante, comme cette moutarde neuve dont on aurait abusé. L’écouvillonnage du fond de narine lors des tests Covid-19 pourrait dans un futur relativement proche se voir remplacer par un simple crachat réalisé soi-même dans le fond d’un tube. Un avis positif a été rendu le 22 janvier par le collège de la Haute Autorité de santé (HAS) relatif à la détection du génome du virus SARS-CoV-2 par technique de transcription inverse suivie d’une amplification (RT-PCR) sur prélèvement salivaire.
La décision de la HAS – très attendue – ouvre la porte à la diffusion en France de tests de dépistage du Covid-19 à partir de prélèvements salivaires. « En supprimant la contrainte invasive et douloureuse – pour certains – nous devrions pouvoir mener des campagnes de dépistage de masse, avec des prélèvements itératifs mieux acceptés », se félicite Lise Alter, directrice de l’évaluation médicale, économique et santé publique à la HAS.
Selon cet avis, dorénavant, un test Covid-19 sera jugé positif si l’on obtient une réponse positive à une analyse par RT-PCR, qu’elle soit fondée sur un prélèvement nasopharyngé ou salivaire. L’élargissement aux tests salivaires repose sur une méta-analyse menée à la HAS par un groupe d’experts en épidémiologie, infectiologie, virologie, méthodologie, portant sur 64 essais, représentant 4 520 paires de tests positifs (comparaison nasopharyngé/salivaire). Il en ressort que la perte de sensibilité du test salivaire, de 2 à 11 %, comparativement à celle obtenue pour le prélèvement nasopharyngé, était acceptable – y compris pour les patients asymptomatiques. Soit une sensibilité de 85 % contre 90 % pour les prélèvements nasopharyngés. Rappelons que la sensibilité mesure la capacité d’un test à détecter le maximum d’infectés (avoir peu de faux négatifs), un critère complémentaire de la spécificité qui mesure la capacité à ne détecter que ceux-ci (avoir peu de faux positifs).
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Protocole bien rodé
De tels tests sont déjà autorisés au Japon et aux Etats-Unis où ils sont massivement utilisés sur les campus universitaires. A l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA), les tests sont réalisés le matin et le protocole est bien rodé. Les étudiants sont simplement invités à « ne pas boire, ni manger, ni fumer, ni mâcher de chewing-gum pendant 30 minutes avant le test ». De même dans certains pays européens, les tests salivaires sont utilisés sous forme de programmes expérimentaux ponctuels.
C’est le cas à l’Université de Liège. « Optez pour le meilleur des deux mondes : la RT-PCR qui a fait ses preuves et l’auto-prélèvement salivaire », s’amuse le professeur Fabrice Bureau, professeur en immunologie et vice-recteur à la recherche à l’Université de Liège (l’équivalent de nos vice-présidents d’université). Dès la rentrée de septembre, son université a utilisé sa propre technique mise au point pour tester de manière hebdomadaire l’ensemble des étudiants et personnels administratifs. En tout 30 000 personnes à raison de 6 000 par jour avec une analyse par groupe de trois échantillons ; une manière de réduire les coûts.
Une somme de 600 000 euros a déjà été investie par l’université, les tests étant homologués, mais pas encore remboursés. Une astuce efficace mise au point par les chercheurs réside dans le tube de prélèvement salivaire, livré dans le kit à chaque étudiant. Plutôt qu’un entonnoir classique, le haut du tube breveté est fait de telle sorte qu’il permet de relâcher automatiquement le volume de 1,5 ml nécessaire à l’analyse. « Distanciel oblige, les campagnes de tests sont arrêtées sur le campus. Ce sont les maisons de repos wallonnes [nos Ehpad en France] qui ont pris le relais », explique le professeur Bureau.
En France, avant d’aller plus loin, la HAS s’engage à compléter « dès que possible »sa décision du 22 janvier par un autre avis qui détaillera notamment les exigences techniques pour la réalisation de cet acte, ses indications, notamment vis-à-vis des personnes asymptomatiques et sa place dans la stratégie de prise en charge de l’infection à SARS-CoV-2. Le groupe de travail a prévu de rencontrer très prochainement le ministère de la santé et les laboratoires d’analyse des tests PCR publics et privés. Trois essais cliniques en cours en France (Covisal, Salicov et Samilcov) devraient bientôt livrer leurs résultats et permettre d’étoffer l’analyse, notamment dans le ciblage du matériel nécessaire.
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Nombreuses questions en suspens
Les questions en suspens sont nombreuses : à qui destiner ces tests ? Sur quelles machines les analyser ? Quelles populations cibler ? Comment gérer les flux d’échantillons ? Si ce premier travail a permis à la HAS de se positionner, elle est consciente du caractère indispensable de la définition des conditions de déploiement.
En effet, comment répartir les tests PCR entre les deux types de prélèvements sachant que les mêmes automates seront utilisés et ne pourront analyser les deux en même temps ? « Nous devons préparer et accompagner la mise en œuvre et proposer des schémas d’organisation applicables avant tout déploiement à large échelle », s’engage Lise Alter, elle-même médecin de santé publique. Et aussi, quelle place pour le salivaire ? Cracher est plus facile. Encore faut-il le faire de la bonne manière. « Nous souhaitons éviter de générer de la déception », précise-t-elle.
La HAS précise également ses préconisations concernant EasyCOV, un autre type de test salivaire, faisant appel non pas à la RT-PCR, mais à la RT-Lamp. Développé par le laboratoire Sysdiag, et commercialisé par Skillcell, il permet d’obtenir un diagnostic en 40 minutes, mais des incertitudes subsistaient sur sa sensibilité, en novembre, lors d’un précédent avis de la HAS.
Cela avait conduit celle-ci à recommander une confirmation par PCR en cas de test positif. Cette obligation est « levée », mais, « en l’attente de données complémentaires prochaines sur ses performances chez les personnes asymptomatiques, l’indication recommandée du test EasyCov est inchangée : utilisation chez les patients symptomatiques pour lesquels le prélèvement nasopharyngé est difficile voire impossible ».
Valérie Handweiler