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Valérie Handweiler, journaliste

Covid-19 : la vitamine D en question comme traitement préventif

Journal Le Monde – Edition datée du jeudi 21 janvier 2021.

Des experts et des sociétés savantes estiment qu’une supplémentation pour réduire le déficit de cette hormone pourrait aider à combattre la pandémie. Pour l’heure, aucune étude n’a apporté de preuve directe de son efficacité.

Une tribune, signée par soixante-treize experts francophones et six sociétés savantes françaises, invite les médecins généralistes à prescrire de la vitamine D à la population en général et plus particulièrement aux personnes dont le test se révèle positif. Cet article de consensus, publié, le 8 janvier, dans La Revue du praticienjustifie cette préconisation par de nombreuses observations menées depuis le début de la crise sanitaire, mais n’apporte pas de preuves directes de son efficacité. Il présente la supplémentation en vitamine D comme un possible outil de prévention avant toute infection et, si celle-ci survient, pour combattre l’évolution vers des formes graves de Covid-19, à l’aide de dosages plus importants.

Le texte ne fait pas pour autant de la vitamine D un « remède miracle » contre le Covid-19, et dans un contexte de pandémie où chaque publication peut susciter des espoirs exagérés, les auteurs souhaitent éviter un effet d’annonce démesuré.« Notre tribune ne fait que rappeler une consigne déjà ancienne de bonne pratique médicale. La majorité des Français manque de vitamine D, au regard des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé [OMS]. Nous suggérons de rétablir ce déficit, indique le professeur Cédric Annweiler, chef du service de gériatrie au CHU d’Angers et co-initiateur de cette tribune. Nous souhaitons remettre ces consignes dans le contexte actuel, d’autant que des études montrent une corrélation positive entre un statut satisfaisant en vitamine D et une moindre gravité du Covid-19. » Et de préciser : « L’ensemble des signataires s’entend sur le fait que la porte de sortie de la pandémie de Covid-19 est la vaccination accompagnée des mesures barrières. L’obtention d’un statut normal de vitamine D pourrait simplement contribuer à améliorer la situation. »

Rôle essentiel dans la calcification

Sous nos latitudes métropolitaines, exposer ses avant-bras au soleil pendant quinze minutes, chaque jour, entre midi et 15 heures, permet à l’organisme de synthétiser naturellement la quantité de vitamine D recommandée par l’OMS. Mais cela n’est valable que d’avril à octobre. De plus, il y a bien évidemment un gradient sud-nord à cet apport naturel cyclique. Le soleil ne suffit donc pas à nous apporter naturellement notre quota. En France, 40 % à 50 % de la population serait déficiente en vitamine D, une proportion atteignant 80 % à 90 % chez les personnes âgées.

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Cette hormone est pourtant essentielle et reconnue pour son rôle dans la calcification. Elle est d’ailleurs préconisée chez les enfants en croissance et chez les personnes de plus de 80 ans pour lutter contre le risque de fractures, explique le professeur Annweiler. Très étudiée, elle pourrait également agir positivement sur l’hypertension artérielle, les maladies cardio-vasculaires, certains cancers et jouer justement un rôle de modulateur du système immunitaire. Concernant spécifiquement l’actuelle pandémie, dans les études observationnelles citées dans la tribune, des taux bas en vitamine D seraient associés à une incidence supérieure du Covid-19. Les auteurs évoquent aussi des risques d’infection respiratoire aiguë aggravés, dans la grippe notamment.

Facteurs de confusion

« Il faut cependant se méfier des facteurs de confusion liés aux études sur la vitamine D », modère Olivier Saint-Lary, président du Collège national des généralistes enseignants, et professeur des universités en médecine générale. Il n’y a pas encore, pour l’instant, d’essais cliniques randomisés contrôlés menés avec un nombre suffisant de sujets qui montrent que la supplémentation en vitamine D pourrait avoir un effet sur le Covid-19, notamment sur les formes sévères. « Le taux de vitamine D est extrêmement corrélé avec le mode de vie. Une personne moins active avec une mauvaise alimentation sera plus souvent carencée. Et ces mêmes personnes sont également les plus fragiles face au Covid-19 », souligne Olivier Saint-Lary.

De son côté, la Haute Autorité de santé confirme qu’aucune recommandation n’est envisagée pour l’instant, puisque aucune étude solide ne fait un lien entre l’apport en vitamine D – délivrée seulement sur ordonnance – et l’atténuation des symptômes du Covid-19. Elle surveille ces travaux avec attention et porte un regard tout à fait positif à la supplémentation en vitamine D, notamment des plus fragiles, d’autant plus en hiver.

Des résultats pourraient cependant ne pas tarder, puisque le professeur Annweiler vient de terminer l’inclusion des 260 patients de l’essai clinique randomisé contrôlé multicentrique Covit-Trial, qu’il coordonne. Cette étude porte justement sur l’effet d’un apport important en vitamine D chez des patients atteints du Covid-19 âgés et fragiles. Elle est classée priorité nationale de recherche par le gouvernement.

Valérie Handweiler

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