Observer, comprendre, raconter

Valérie Handweiler, journaliste

Un Japon qui se déguste par petites touches de couleurs

Illustration de Florent Chavouet

Entre livre, bande-dessinée et carnet de voyage, « Touiller le miso », sorti en octobre 2020 aux éditions Philippe Picquier, est le 4e ouvrage de Florent Chavouet, avec le Japon comme terrain d’inspiration. Un livre qui se déguste, évoque et donne à voir. 

« Miso » se prononce misso en japonais. Le miso est cette pâte fermentée à base de fèves de soja, de riz et de sel, typique de la cuisine japonaise. On en fait des soupes au fameux goût umami (aigre doux), riches en protéines, vitamines et minéraux.  Sa seule évocation attise les papilles, suscite la curiosité. On est dans la culture japonaise et on a envie d’en savoir plus.

« Si je suis un bon photographe ? Non, je ne sais pas cadrer. Mes photos sont mauvaises », déclare Florent Chavouet. Pourtant son livre est comme une succession de photos dessinées. L’auteur-illustrateur zoome sur un détail de balcon, saisit l’ombre d’un pont routier sur un canal recouvert de pétales. Son ouvrage coloré laisse entrevoir différents endroits du Japon, sans pour autant indiquer un itinéraire. Ce sont des touches de couleur, des objets légendés par des haïkus à l’ironie bienveillante.

Déambuler, se laisser capter par les objets

jeu d'enfant au Japon
Illustration de Florent Chavouet

Au fil de son livre illustré, Florent Chavouet va camper aux crayons de couleur des scènes ou des détails de la vie japonaise. Sur les pages de gauche : une ruelle en ville la nuit, des clients au comptoir, des gens qu’on devinent derrière des vitres de restaurants. Un kaku Uchi (bar à saké – superette où l’on vent de tout) est présenté avec moult détails et explications vu du haut sur une page dépliable. Sur les pages de droite, « des haïkus pas forcement très conventionnels » consent l’auteur, accompagnent les dessins avec beaucoup de tendresse : « LA VILLE FAIT BEAUCOUP POUR AIDER LES ENFANTS A QUITTER LA PLANETE »,  illustrera un jeu de square en forme d’astéroïde.

Des cartes –  une quinzaine en tout – indiquent les lieux du voyage­­­­­­­. Ces villes redessinées avec leurs petits blocs d’habitations rythment le récit. Les numéros indiqués aux coins des rues renvoient vers la page du livre où seront dessinés les objets que l’auteur a croisés : des jouets sur les balcons qui semblent le regarder, des fronts de voitures dépassant des garages. 

Carte de ville
Illustration de Florent Chavouet

L’illustrateur pose un regard d’enfant sur une maison qui ressemble à des mâchoires, sur une voiture garée qui lui évoque un petit chien.  Il y a un étonnement sur les maints détails qui font le Japon : dans quel récipient sert-on le saké ? Comment sont faits les toits des maisons ? Comment les clients d’un restaurant s’installent les uns après les autres dans un restaurant à comptoir. Sont expliquées avec humour les règles du savoir-vivre que le voyageur aura comprises à force d‘observation : ne pas s’asseoir à coté ou juste en face d’un client déjà attablé, laisser une chaise libre entre deux clients ou ne pas pouvoir le faire et consentir à enfreindre la règle. Florent, le voyageur qui ne parle pas le japonais explique ces petits gestes de discrétion qu’il capte grâce à une observation affutée.

Le Japon, l’artiste en est tombé par hasard en passion à l’occasion d’un séjour de 3 semaines dans le Kansaï, près de Kobé. C’était en 2001. Il avait 21 ans et n’avait aucune culture du manga ou du jeu vidéo. Invité par une famille japonaise rencontrée dans son petit village près de Nevers, il y part sans aucune idée préconçue, sans a priori, sans cliché. A son retour, il n’a qu’une seule idée : y retourner aussi souvent que possible. C’est ce qu’il fera à partir de 2006. Avec en poche un BTS en design d’objets et un master en arts plastiques, il part avec ses carnets, ses crayons et commence sans idée préconçue, à dessiner le quotidien, ce qu’il voit, ce qu’il ressent.

« Touiller le miso », comme ses précédents ouvrages, est une invitation à la déambulation. Un livre qui donne envie de déguster le Japon à petits coups de saké ou de soupe miso.

Valérie Handweiler

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